Sublime abîme
Il y a quelque chose de saisissant, de vertigineux, d’ineffable à regarder la longueur de l’abîme qui nous sépare. Tel à l’intérieur d’un sanctuaire, je pénètre et prise d’une sorte d’émotions sacrées contemple la distance qui nous éloigne. J’entends le murmure suave de ta voix, des plaintes et des hymnes qui sortent d’inaccessibles profondeurs de ton coeur.
Entre toi et moi s’insinue un abîme que je ne veux, même en idée, essayer de franchir. C’est comme si dans tes bras, j’avais conservé pour moi la fleur de virginité, que je n’avais jamais eu à cueillir ni même à posséder.
On le sait, toute passion nuisible attire, comme le gouffre, par le vertige. La faiblesse de la volonté amène la faiblesse de tête et l’abîme, malgré son horreur, fasciné alors comme un asile. Effroyable danger ! Cet abîme est en nous, ce gouffre ouvert comme la vaste gueule du serpent infernal qui veut nous dévorer, c’est le fond de notre être; notre liberté nage sur ce vide qui aspire toujours à l’engloutir. Notre seul talisman est notre force moral dont la lumière s’appelle « devoir » et dont la chaleur se nomme « amour ».
Ô Abîme ! Ô silence ! Comme tu m’effraies. Oui tu es effrayant comme le calme de l’océan qui laisse plonger le regard dans ses abîmes insondables. Tu nous laisses voir en nous des profondeurs qui donnent le vertige, des trésors de souffrance et de regret. Properce d’ailleurs écrit qu’ »un instant est l’abîme où va se perdre une belle destinée « ,dans ses Élégies.
Simplement, il y a entre mes rêves et ma vie un abîme que je sens, que je perçois, que je pressens. Car la vie sans la flamme devient chaque jour intolérable. Pas de but, pas de halte amoureuse, pas de ciel, ni sombre, ni soleil. A quoi bon ? Une vie qui se dévore inutile.
Je crois que le mépris est un penchant vers l’abîme. Le souffle de l’inconstance tantôt nous conduit au bonheur, tantôt nous précipite dans un abîme de maux.
J’ai failli sombrer dans l’abîme et m’y complaire. Mais à son bord, prenez-y garde, il ne vous reste plus qu’un seul pas à faire pour y tomber.
Je ne suis pas une âme tranquille et je joue avec cet abîme. Un jour, sûrement, s’entrouvera-t-il sur moi et j’aurai tout perdu. Mes passions m’habitent, m’abîment et je m’abîme en elles.
Attention danger !