Manon les yeux ouverts

Je me penche sur une table où sont rangés des verres, une carafe ventrue, ambrée, Jack peut-être ?
Au sein de l’intime, mon âme prend l’air. J’allume une Camel,… blonde, avale goulûment la fumée,… bleue !
J’aspire au calme mais Manon me regarde, les yeux ouverts.
Sa petite frimousse, triste mais pas vraiment, fige un sourire sur mes nuits futures. Son mascara dessine ses yeux comme ceux du temps du muet, Charlie peut-être ?
Son vieux fauteuil est rempli d’Elle, son unique amie.
Ce soir, je suis venu l’apprendre… Mais Manon me regarde, les yeux ouverts.
Elle s’appelle Manon, mais personne ne l’appelle jamais comme ça. C’est Nico, à cause des clopes !
Qui finit de se consumer, jaunissant ses doigts râpés par la vie, enfin, celle du McDo et de son bac à frites… Boulot à trois balles, pour ses clopes et sa clique.

Son Ipod crépite du son amer, mal de vivre en France, mais l’entend-elle ?

Il fait sombre, mais je sais qu’Elle me regarde. Me voit-Elle ?
Elle a l’air bien, détendue, et je sais sa pensée qui s’enfuit : Elle aurait bien aimé.
Le bleu d’azur partout, et le chaud. Le sable qui file entre ses doigts, le sel et l’eau.
Le vert immense qui ondule sous le vent, le goût des pommes qui se donnent !
Le rouge et le noir, le feu qui consume, l’espoir qui s’insurge.
Elle n’a pas su attendre, croyant le « peut-être » impossible et maintenant… Manon me regarde les yeux ouverts.
Ses beaux grands yeux violets ne verront pas l’amour qu’Elle attendait comme un vendredi. Elle n’y croyait plus et je sais qu’il est trop tard maintenant.

Le mal-être m’envahit et s’amplifie à mesure que sa vie s’enfuit, par ses poignets ouverts sur une route sans issue.
Les yeux ouverts Manon m’invite. J’écrase ma clope, relève mes manches. Son Stanley m’appelle.

                                               Alain MARÉCHAL