Mon expérience de la communauté
Selon Albert Einstein : « Pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons, il faut avant toute chose être soi-même un mouton ». Qu’en pensez-vous ? L’homme solitaire pense seul et crée des nouvelles valeurs pour la congrégation. Mais l’appartenance à la famille humaine confère à toute personne une sorte de citoyenneté mondiale, lui donnant des droits et des devoirs, les hommes étant unis par une communauté d’origine et de destinée suprême. Je viens de faire une cure de repos. Il m’a fallu vivre en indivision avec d’autres personnes très différentes de moi. D’ordinaire, je compte mes proches sur les doigts d’une seule main. Un ami dans la vie est très bien; deux c’est déjà beaucoup; trois; c’est à peine envisageable. L’amitié nécessite un certain parallélisme dans la vie, une communauté de pensée, une rivalité de but. Là bas, j’ai connu l’émulation, la concurrence, l’antagonisme, la jalousie et parfois même la haine. Pourtant le bien commun et l’engagement sont des valeurs qu’il faut absolument appliquer lorsque l’on vit ensemble. Et bien, même si je suis une solitaire typique dans ma vie quotidienne, ma conscience d’appartenir, ne serait-ce que pour un mois à une communauté m’a empêchée de me sentir seule. Je me suis montrée forte pour les moments qui comptent vraiment afin de créer de nouvelles affinités. Je reconnais maintenant comment ma force a contribué à façonner la personne que je suis aujourd’hui. Une démocratie ne vaut et ne dure que si elle sait refondre constamment dans la communauté l’individualisme qu’elle fait naître. Howard Thurman ne pense pas la même chose que moi. Selon lui: « Une communauté ne peut longtemps se suffire à elle-même; elle ne peut se développer qu’avec des personnes provenant d’horizons différents et des frères encore inconnus ». La diversité est-elle un frein à l’entendement ? Nous avions une chose en commun : tous un ou des problèmes à régler, nous reposer et sortir en pleine santé. Il ne s’agissait pas d’un bagne, là où résident des coups de pioches qui sont donnés et qui n’ont pas de sens, qui ne relient pas celui qui les donne à la communauté des hommes. Là-bas, une femme d’une cinquantaine d’années, surnommée « La grande Cigogne » (elle se reconnaîtra) était acariâtre, égrise et désagréable avec tous les patients. Ni une, ni deux, elle s’est retrouvée seule parmi la communauté, telle une paria. Selon Jacques Chirac : « Une communauté se reconnaît dans les plus entreprenants et les plus inventifs d’entre les siens ». La solitude dans une communauté est une lubie chèrement payée. On ne donne jamais le bénéfice du doute à l’acte accompli en marge des autres. Aussi, avant de vivre cette expérience, je n’étais plus certaine que les êtres humains soient vraiment faits pour vivre en communauté, je ne suis pas sûre que nous survivre ainsi. Selon Jan Tinbergen : « C’est accorder un trop grand crédit à la nature humaine que de laisser à l’individu le soin de prendre en considération l’intérêt de la communauté ». Certes, elle est le lieu où l’on s’interroge sur la nature, la force ou la faiblesse des liens qui la constituent. J’ai tissé des liens forts avec deux personnes. Je leur suis reconnaissante d’avoir été aussi aimables et de m’avoir ouvert leur coeur. La communauté a une identité différente et respectable qui doit être maintenue et défendue. Car sa force réside dans le rassemblement de ses différentes fractions. Aussi, de nos jours, peut-on véritablement nous isoler des hommes en général ? Ne serait-ce que le mariage. Selon Ambrose Bierce, il « est composé d’un maître, d’une maîtresse et de deux esclaves, ce qui fait en tout deux personnes »! Je pense qu’il vaut bien mieux suivre les conseils de l’homme politique et pasteur Martin Luther King, lorsque celui-ci déclare : « Quand on me commande d’aimer, on me commande de restaurer la communauté, de résister à l’injustice et de répondre aux besoins de mes frères ». J’ai seulement envie et une volonté profonde d’être libre, mais de m’inscrire aussi dans le monde.
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