« S’élever en amour »
Personne ne sait quant ni comment l’amour ou la foudre vont tomber, mais tout ce que l’on sait , c’est que cela ne tombe jamais deux fois au même endroit. Et tant mieux. Je sais qu’il n’est pas donné à tout le mode de tomber amoureux. Et cela me faisait terriblement peur. Car l’amour m’a fait beaucoup, beaucoup de mal. D’ailleurs, je pensais ne plus « tomber amoureuse ». Je propose, d’ailleurs, ne ne plus dire « tomber amoureux » mais « s’élever amoureux ». Dans « tomber », il y a la possibilité de la chute; dans l’élévation, plus dure sera la chute. C’est un souci de précision linguistique. Oui, il arrive effectivement que la décadence et l’échec d’une relation fassent très mal : affliction et enfer s’ensuivent. Le souci c’est qu’une femme qui tombe follement amoureuse veut généralement s’unir à celui qu’elle aime, par des liens indissolubles, lui devoir sa félicité, tenir de lui la réunion de tous les biens auxquels son coeur aspire. Des serments réitérés confirment ses espérances. Tous les genres de séductions assiègent à la fois son âme. Elle ne rêve que voluptés, que de délices; elle s’enivre du sentiment anticipé de son bonheur; et après, de réaliser son rêve, lorsqu’elle ouvre les bras pour y serrer son amant, le barbare l’abandonne. S’élever amoureux est donc un problème à traiter.
Ce qu’il y a de pire dans la vie : ne plus savoir tomber amoureux. Le bonheur est irrationnel, c’est un luxe qui est cher; tous nos accablements sont dus à nos goûts de luxe. En amour, c’est toujours le même scénario : soit Un +Une. Mais qui aime-t-on le plus au monde ? Soi-même. Un coup de foudre s’avère souvent la trouvaille d’un bon miroir. Mais lorsque l’on tombe véritablement amoureux, subito il y a de la place pour deux. Abruptement, si l’on doit choisir, on choisit l’Autre. C’est merveilleux cette capacité subite à aimer l’Autre plus que soit même, à chérir la perfection ! Cependant, attention : dès que ce manifeste le moindre défaut dans cette perfection, la critique fuse et… on passe à autre chose. « C’est cela la vie, un mouvement permanent »(Claude Lelouch). Succomber : qui tomber en amour, se prépare à de belles nuits et à de mauvais jours ! Le coup foudre ! Méfiance ! Cela signifie qu’il y a de l’orage dans l’air !
Il est dans la beauté et dans la vertu un charme invincible qui fait tomber les portes de fer, et qui amollit les coeurs de bronze. Tomber en amour, qu’est-ce dire ? S’oublier soi-même, pour mieux revivre en l’Autre. C’est, si l’on peut dire ainsi, naître en se souvenant d’être né. Examinons le dilemme : personne ne tombe amoureux s’il est satisfait de ce qu’il a et de ce qu’il est. Les hommes tombent facilement amoureux et facilement vous laisser choir. C’est étrange de penser que l’on peut tomber amoureux et ne plus s’aimer, que l’amour peut se transformer en haine, et que ce sont les êtres qui nous ont le plus aimé qui nous ferons le plus de mal… Et l’on en revient à notre première problématique : nous devrions tout simplement aimer mais ne jamais tomber amoureux. Parce que ce qui tombe se brise. Le tout est de ne pas se faire mal. Ce qui est loin d’être si réducteur… Car à ce moment précis, nous vivons une petite mort.
Qui plus est, tomber amoureux se résume peut-être à trouver quelqu’un qui vous fait vous sentir moins seul (?) N’oubliez pas de tomber amoureux de vous-même d’abord. Ensuite nous serons à même de nous ouvrir au monde. Et de vivre le meilleur.
Selon moi, l’amour reste toujours plus capital, délicat et plus sacré que l’objet qui le suscite. Parce qu’il nous fait voir le monde comme un conte lumineux, parce qu’il va chercher dans l’être humain ce qu’il y a de plus noble et de plus beau en lui, parce qu’il élève ce qu’il y a de plus commun et de plus dérisoire, et le sertit de diamants, et parce qu’il fait vivre dans l’ivresse et dans l’extase. Nous nous devons de faire un constat limpide et intelligible: nous sommes amoureux de l’Amour. L’amour ne vaut jamais mieux que celui qui aime. Car les gens méchants aiment méchamment, les gens violents aiment violemment, les gens faibles aiment faiblement, les gens bêtes aiment bêtement, mais l’amour d’un homme libre n’est jamais sûr. Il n’y a pas de cadeau pour l’être aimé. Seul celui qui aime possède ce don d’amour. Celui qui est aimé est dépouillé, neutralisé, figé dans l’éclat intérieur de celui qui aime.
Toutefois, reconnaissons que le véritable amour est éternel, toujours semblable à lui-même; il est égal et pur, sans démonstrations exacerbées, torrentielles ou frénétiques; il se voit en cheveux blancs, toujours jeune de coeur. Certains penseront que l’amour est au bout de la route et que, si on a la chance de la trouver, on s’arrête. D’autres vous diront que c’est plutôt une embardée, un vol plané, et la plupart de ceux qui ont un peu de jugeote savent qu’il échappe au fil du temps. Selon l’énergie que l’on lui consacre, on s’y accroche ou on le perd. « L’hypocrisie de l’amour est un fléau de notre société », affirme, de manière sombre et défaitiste, Etienne Pivert de Senancour au tout début du XIXe siècle. Est-ce toujours le cas au XXIe ?
J’ai finalement envie de croire en lui. L’Amour est un chemin secret, bordé de roses, que le coeur emprunte pour rejoindre son Autre.
Mais, cette question me taraude : comment tomber amoureux… sans tomber ?
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