L’indignité de la figure paternelle… Père et impairs !
Peut-on se relever du harcèlement moral au sein de son propre foyer ? Le sujet est grave. Ce qui se passe au sein de sa famille est parfois tabou. Mais Romane était à bout. Elle était victime de harcèlement moral de son propre père. A ses yeux, celui-ci était plus dangereux que le harcèlement physique, car il vous atteint au plus profond de votre être, vous démuni de toute estime, engendre la haine au sein d’un cocon familial, ce qui peut paraître pour certains lecteurs tout à fait paradoxal. Ne dit-on pas qu’ il n’est de sûr abri qu’au foyer domestique ? Aussi que les jeunes illuminent le foyer, n’éteignent jamais les lumières ? Pourquoi, donc, s’acharner ainsi sur sa propre fille, son sang, sa chair ? Or l’amour est la condition première du bonheur d’une maison.
Chez Romane, il en était tout autre. Depuis sa « tendre » enfance, elle ne pouvait échapper aux griffes de son harceleur. Une scène, des marionnettes, un manipulateur. Dans cette représentation qui se joue à guichet fermé, la souffrance est l’unique décor. L’objet de l’intrigue : le harcèlement moral, qui se joue dans le huis-clos de la famille. Pas évident d’identifier un bourreau quand il officie au sein même de ceux que l’on aime. Pourtant les signes ne trompent pas: humiliations quotidiennes (elle se voyait traitée impunément de « connasse », « d’imbécile » [....], agressivité (le ton de la voix de son père atteignant toujours le paroxysme qu’il fallait absolument quitter la pièce et s’enfermer dans une autre) , chantage (« je ne prendrai plus en charge ton traitement médicamenteux, tu te débrouillera », « je vais partir », « je vais te faire dégager »), culpabilisation (« c’est elle qui a commencé », « elle s’en prend à moi »), sont entre autres les abus quotidiens de cette personnalité complexe. Pourtant, Romane avait été désirée. Ses parents ont attendu quatre longues années avant que celle-ci, la première de la fratrie, ne montre son petit nez. Généralement, le bourreau montre son profil le plus beau à l’extérieur, mais terrorise les siens à l’intérieur. Nonobstant, dans la situation de Romane, le paternel était connu pour ses excès de rage, pour ses humiliations publiques au dehors, faisant de lui un homme profondément seul, peu estimé de tous, voire redouté. Mieux valait éviter son chemin. Aussi, la mère de Romane, victime collatérale de ce personnage infernal, évitait de recevoir du monde à la maison ou de sortir en sa compagnie si ceux-ci n’étaient pas seuls. Pourquoi ? Parce qu’au fil des années, le père a fait le vide autour de sa famille. S’il fallait compter les membres de la famille de Romane, elle ne le ferait que sur les doigts d’une seule main ! Ainsi, les victimes prennent le parti de se taire, afin d’éviter les problèmes, par peur ou par consentement, et souffrent de cette situation qui paraît inextricable.
Comment tirer le rideau de fin, quand bien même que le père caractériel ne s’arrange en rien avec les années ? Tyran, brutal et moralisateur en privé, comme en public, son père rechargeait avant tout une faille chez les membres de sa famille et s’engouffrait dans la brèche pour mieux combler ses propres manques. Pour ce qui est de la mère, elle préférait étouffer au lieu d’échauffer les esprits afin d’avoir la paix. Elle se sentait malgré elle au milieu d’une situation de conflit permanent. Car, voyez-vous, Romane, quant à elle, ne cédait pas. Quitte à tendre un miroir à son père, à le provoquer afin qu’il prenne conscience du mal qu’il générait autour de lui, elle lui tenait tête et ne lâchait rien. A ses yeux, son père était un grand malade ! Il refusait d’admettre l’évidence et de se soigner et à son âge avancé, plus personne ne pouvait l’aider. Il ne s’intéressait à rien, si ce n’est à son bien-être personnel. Seul. On aurait dit qu’il désirait ardemment se retrouver seul. Et, peut-être, un jour, cela arrivera. Il était, est et sera toujours dans l’incapacité totale d’aimer. Même ses petits-enfants sont à ses yeux inexistants. Jamais il ne demandera de leurs nouvelles, jamais il ne demandera à les voir, jamais il ne pourra les supporter, car lorsque ceux-ci venait en week-end chez lui, ils le faisaient sortir de sa zone de confort, de ses habitudes, de ses tocs. Quelle est donc l’ampleur de son vide intérieur pour agir de la sorte ? Incapable de se remettre en cause, il se pause la plupart du temps en victime afin d’amadouer son entourage. Toutefois, avec Romane, ce comportement ne l’attendrissait en rien. Elle était véritablement la seule à résister face à lui et donc la personne à abattre. En conséquence, tout le monde souffre et toute communication devenait impossible. Les proches vivent constamment dans le giron des remarques désobligeantes du parent toxique.
La seule issue, la seule façon de sortir de cet engrenage : c’est le frère de Romane qui l’a trouvé… en s’éloignant de lui. Seule la séparation permettrait donc aux victimes de se reconstruire. Il est nécessaire de franchir tous les caps de distanciation avec le père afin de développer sa liberté intérieure. Romane quittera bientôt cet enfer quotidien, mais qu’en sera-t-il pour sa mère ?
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